
Photo : Stephen Dock.
Cet article rédigé par Stephanie Duvergé a été publié à l’origine dans le Guardian du 2 juin et a été adapté pour notre blog.
Le traitement de la malnutrition dans les crises humanitaires, telles que les conflits ou les catastrophes naturelles, ne se limite pas aux soins de santé et à la distribution d’aliments thérapeutiques aux enfants. Souvent, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), affection courante dans ces situations extrêmes, vient entraver le succès du traitement. À Bangui, en République centrafricaine, le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë a triplé depuis le début des violences en décembre 2013.
Les causes de la malnutrition aiguë sévère ne se limitent pas aux difficultés économiques et au manque d’accès aux aliments. Parmi les milliers de personnes déplacées par les combats, beaucoup ont subi des menaces, ont perdu des membres de leur famille, leur foyer et tout ce qu’elles possédaient. Elles sont souvent épuisées par les dures conditions d’existence dans les camps. Ces conditions difficiles ne sont pas sans effets : de récentes études menées par Action contre la Faim ont montré que 75 % des parents d’enfants souffrant de malnutrition présentaient des symptômes de SSPT dus à leur exposition à la violence.
Le stress post-traumatique provoque des changements de comportements qui, bien que compréhensibles, normaux et généralement passagers, peuvent être suffisamment handicapants pour impacter la capacité d’une mère à nourrir son enfant et à lui apporter les soins nécessaires. Les infirmières qui assistent les femmes dans les douze centres de santé de la région de Bangui rapportent des cas de femmes souffrants de SSPT qui ne sont plus en mesure de répondre aux besoins de leurs enfants, ce qui peut s’avérer dangereux pour des nourrissons déjà exposés à un environnement difficile.
Les enfants, même s’ils sont trop jeunes pour comprendre ce qu’ils ont vécu, peuvent également développer des symptômes physiques de SSPT, notamment le refus de s’alimenter. Des symptômes traumatiques de ce type sont observés même chez de très jeunes bébés. Certains parents n’interprètent pas ces comportements comme les symptômes d’un problème plus vaste, et n’y accordent pas l’attention nécessaire. Pour lutter contre ces problèmes, nous apportons aux enfants souffrant de malnutrition et à leurs parents un appui psychologique et social.
Dans le service de nutrition thérapeutique du principal hôpital pédiatrique de Bangui, nos équipes d’intervention nutritionnelle et psycho-sociale offrent un service de soins et d’orientation spécialisés aux enfants souffrant de malnutrition sévère. Lorsque Jessica, six ans, s’est présentée à l’hôpital accompagnée de son père et unique parent, Dieumerci Tsongbele*, elle refusait de s’alimenter et d’interagir avec les autres.
Tsongbele a participé à une séance animée par des experts en orientation psycho-sociale. Avec d’autres parents, il a été informé des facteurs qui peuvent aggraver la malnutrition, notamment les traumatismes psychologiques. Cette prise de conscience a provoqué une réaction émotionnelle chez lui, car il avait été témoin d’actes de violence extrême et souffrait en réaction d’irritabilité et d’insomnies. Bouleversé, il a reconnu avoir été moins attentif aux besoins de sa fille.
Mais l’espoir est permis pour Jessica et son père. Au cours du traitement, Tsongbele et les autres parents ont participé avec leurs enfants à des activités offrant à parents et enfants un espace protégé pour recréer les liens naturels et vitaux essentiels au développement humain. Ces séances renforcent la relation entre parents et enfants et contribuent à limiter les effets néfastes de la malnutrition. Grâce à ces programmes, nous reconnaissons toutes les dimensions du traitement de la malnutrition, qui ne consiste pas uniquement à fournir des aliments, mais également à recréer le désire de s’alimenter.
* Les noms ont été changés pour préserver l’anonymat.