
Alors que les criquets dévorent les récoltes, les familles vulnérables sont les plus durement touchées. Photo : Sven Torfinn, FAO.
Pendant des mois l’année dernière, aucune pluie n’est tombée et peu de cultures ont été semées. Les familles de toute l’Afrique de l’Est ont fait ce qu’elles pouvaient pour survivre, malgré les pénuries de nourriture et d’eau. Puis, soudainement, les pluies se sont abattues d’un seul coup, sous forme d’inondations, emportant récoltes et maisons. Les communautés ont été déplacées. Elles ont commencé à reconstruire et à replanter du mieux qu’elles pouvaient.
Maintenant, ces mêmes communautés font face à une troisième menace : les criquets pèlerins.
De la taille d’une main adulte, ces insectes sont les plus anciens et les plus dangereux des ravageurs migrateurs dans le monde. Leur appétit est vorace – un essaim de la taille de Los Angeles peut manger autant de nourriture en une journée que toute la population du Kenya. Les criquets mangent tout ce qui est vert, ravageant les récoltes et les pâturages.
Les conditions météorologiques extrêmes dans l’océan Indien, causées par les changements climatiques, ont aggravé la sécheresse et les inondations et ont créé les conditions parfaites pour que les criquets se reproduisent et se propagent du Yémen à l’Afrique de l’Est. Selon les dernières prévisions, l’infestation de criquets en Afrique de l’Est pourrait exacerber la situation de plus de 13 millions de personnes déjà plongées dans une crise alimentaire et augmenter le risque que davantage d’enfants meurent de malnutrition. Même sans l’urgence antiacridienne, l’Afrique de l’Est est confrontée au taux de sous-alimentation le plus élevé, qui touche plus de 30 % de la population.
Learao Loroshi, un pasteur du village de Ndonyilengala, dans le comté d’Isiolo, au Kenya, décrit la situation désespérée de sa communauté :
« LES CONDITIONS S’AMÉLIORAIENT TOUT JUSTE APRÈS LA SÉCHERESSE PROLONGÉE QUI NOUS A TOUCHÉS L’ANNÉE DERNIÈRE. LES PLUIES QUI SONT TOMBÉES ENTRE OCTOBRE ET JANVIER ONT PERMIS DE GARANTIR QU’IL Y AVAIT SUFFISAMMENT DE PÂTURAGES POUR NOS ANIMAUX… PUIS, LES CRIQUETS SE SONT INSTALLÉS. ILS SONT VENUS ET ONT RAVAGÉ TOUS LES PÂTURAGES.
LE SOL EST MAINTENANT DÉNUDÉ ET NOS ANIMAUX VONT MOURIR. NOUS ALLONS MOURIR AUSSI ! LES OEUFS QUE LES CRIQUETS ONT PONDUS ONT FAIT ÉCLORE DES MILLIERS DE JEUNES QUI NOUS AFFECTERONT ENCORE DAVANTAGE SI RIEN N’EST FAIT. NOUS CRAIGNONS ÉGALEMENT LES EXCRÉMENTS DES CRIQUETS, EN RAISON DES POSSIBLES ÉPIDÉMIES. »
Pour la Somalie et l’Éthiopie, il s’agit de la pire invasion de criquets pèlerins depuis 25 ans – pour le Kenya, la pire invasion depuis 75 ans. Dans ces trois pays, 10 millions de personnes, déjà confrontées à une grave crise alimentaire, sont maintenant exposées à la perte de leurs récoltes et de leurs pâturages. Si les essaims continuent à se reproduire et à se propager, 3.24 millions de personnes supplémentaires déjà affamées, en Ouganda et au Sud-Soudan, pourraient être entraînées dans une crise plus grave encore.
« Avant l’arrivée des criquets, les organismes d’aide luttaient déjà pour répondre aux besoins des populations après la sécheresse et les inondations », explique Hajir Maalim, directeur régional d’Action contre la faim pour la Corne et l’Afrique de l’Est. « Le financement de la réponse humanitaire est insuffisant. Alors que d’autres gouvernements parlent de la menace des changements climatiques, des pays comme l’Éthiopie, la Somalie et le Sud-Soudan en subissent déjà quotidiennement les effets dévastateurs. »
Un essaim de criquets pèlerins envahissent une communauté du sud-ouest de la Somalie.
Pour faire fuir les criquets, les communautés font des bruits forts, en soufflant des sifflets et en tapant sur des pots. Mais le moyen le plus efficace de se débarrasser des ravageurs – et surtout d’empêcher l’éclosion de leurs œufs – est la pulvérisation de pesticides par voie terrestre et aérienne. Au Kenya, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le ministère de l’Agriculture mettent en œuvre ces mesures. Mais en Somalie, le conflit et l’insécurité rendent les pulvérisations aériennes presque impossibles. Le 2 février, le gouvernement de la Somalie a déclaré l’état d’urgence nationale, ce qui signifie que la situation a dépassé sa capacité de réaction.
Même avec la pulvérisation, les dégâts ont déjà été faits dans de nombreuses communautés vulnérables : « [Les criquets] ont détruit toute la végétation avant d’être pulvérisés. Maintenant, les jeunes ou les larves mangent le reste de la végétation, et ils sont très vicieux », explique Henry Sangale, un chef de communauté du comté d’Isiolo, au Kenya, l’une des régions où nous travaillons. « Cela affectera entièrement les pâturages et peut facilement conduire à des conflits et à l’insécurité avec les communautés qui nous entourent, car chacun commencera à se battre pour obtenir des pâturages pour ses animaux. »
Pour faire face à la crise, nous apportons une aide immédiate aux familles qui souffrent de la faim. Nos équipes préviennent la malnutrition, étendent nos programmes de secours en argent, prépositionnent des fournitures pour la prochaine saison des pluies et travaillent avec les gouvernements pour renforcer les capacités à gérer une augmentation des cas de malnutrition.
« Ces communautés ont été frappées à maintes reprises par des crises multiples et simultanées : sécheresse, inondations, épidémies, et maintenant les criquets », explique Ahmed Khalif, directeur d’Action contre la faim pour la Somalie. « Mais je vois des raisons d’espérer. Si vous regardez en 2011, 2012, la plupart de ces populations ne pouvaient pas accéder à l’aide – les populations devaient auparavant parcourir 80 kilomètres pour obtenir de l’aide. Aujourd’hui, grâce à nos équipes mobiles et à la confiance que les communautés nous témoignent, nous sommes en mesure de fournir rapidement aux populations ce dont elles ont le plus besoin, même dans les zones difficiles d’accès. »
En collaboration avec les autorités locales et des organisations comme la FAO, nous surveillons de près les signes annonciateurs d’une aggravation de la crise alimentaire. Nos équipes en Afrique de l’Est surveillent l’accès aux marchés, la disponibilité de l’eau pour les personnes et les animaux, l’augmentation des cas de diarrhée et d’autres signes de maladies hydriques, ainsi que les taux d’admission dans nos programmes de nutrition communautaires.
Un essaim de criquets pèlerins envahissent une communauté du sud-ouest de la Somalie.
Il est possible que les effets de l’infestation de criquets pèlerins ne se fassent pas réellement sentir avant des mois, au moment où les récoltes que les ravageurs ont consommées doivent être récoltées et que les familles sont confrontées à des pénuries alimentaires. Action contre la faim, les gouvernements des pays touchés et d’autres partenaires ont besoin d’une injection de fonds pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des communautés, et ce, rapidement :
« Une action précoce sauve des vies et coûte moins cher », déclare M. Maalim. « Nous travaillons dans ces communautés depuis des décennies et nous savons ce qui fonctionne. Si des mesures rapides ne sont pas prises maintenant pour lutter contre cette infestation de criquets, nous risquons d’être confrontés à une situation encore plus catastrophique dans les mois à venir. »
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