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À Madagascar, la sécheresse provoque une crise humanitaire

Lean Season Madagascar - Action Against Hunger

Vorisoa s’occupant de sa terre. Les conditions de sécheresse à Madagascar ont détruit des récoltes consécutives. Photo: Stéphane Rakotomalala pour Action contre la faim

Les districts du sud de Madagascar subissent de plein fouet les effets du dérèglement climatique, avec une forte augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses ces dernières années. Une situation qui a un effet dévastateur sur les moyens d’existence et la santé des populations.

Le manque d’eau et en particulier d’eau potable est chronique dans la région Sud, mais la faible pluviométrie et l’épuisement des nappes phréatiques renforcent désormais cette pénurie. Par conséquent, le nombre des cas de maladies hydriques telle que la diarrhée augmente fortement, notamment chez les jeunes enfants. Un risque de plus pour eux de tomber dans une forme sévère de malnutrition.

La quasi absence de pluies en 2020 a également eu pour effet d’anéantir la campagne agricole et d’entraîner une saison sèche plus précoce et sévère que les années précédentes. La perte des récoltes et le faible niveau de stock conjugués avec les effets pervers de la crise sanitaire – parmi lesquels la pression sur les prix des denrées et la limitation des sources de revenu – a porté un coup supplémentaire à la sécurité alimentaire des ménages.

« Le peu que j’ai pu produire dans le passé a été entièrement consommé. Je ne connais pas les dates mais ça fait très longtemps que je n’ai pas eu de récolte. Depuis qu’il n’y a plus de pluie, les enfants ne mangent pas normalement. Je leur donne ce que je peux trouver comme des feuilles de cactus. Avec ce régime, ils ont des diarrhées et des nausées, mais on n’a pas le choix. Au moins ça ne les tue pas. » confie Maliha, 38 ans, séparée et mère de 8 enfants à Ampanihy.

LE SUD AU BORD DE LA FAMINE

Le « kéré », qui signifie famine en malgache, revient annuellement dans le Sud pendant la saison sèche mais aujourd’hui c’est une crise alimentaire d’une gravité nouvelle qui s’y joue.

Cette année encore la situation se dégrade à cause d’une sécheresse persistante, des tempêtes de sable et de la hausse continue des prix des denrées alimentaires. La région souffre à nouveau d’une mauvaise récolte pour deuxième année consécutive. De fait, il n’y aura pas d’amélioration significative de la sécurité alimentaire cet été, comme habituellement à cette période. Les ménages épuisent aujourd’hui et de manière permanente les restes de leurs faibles stocks alimentaires.

La saisons sèche qui débute généralement au mois d’octobre commencera plus tôt en 2021, avec une dégradation toujours plus importante de la sécurité nutritionnelle des familles. À ce jour, sont 1,14 million de personnes dans le Grand Sud que l’on estime être en insécurité alimentaire aiguë élevée, dont près de 14 000 personnes en situation de famine. Chez les enfants de moins de 5 ans, 135 476 souffrent de malnutrition aiguë, dont 27 134 de malnutrition aiguë sévère.

« La saison sèche survient chaque année mais en ce moment elle est particulièrement dure, et dure toute l’année. Avant, la pluie tombait pendant les mois de janvier, février et mars et permettait la culture des variétés de melons et de citrouilles. » raconte Jean Delacroix Tsimanantsiny – Responsable Adjoint Programme d’Action contre la faim à Ambovombe.

Le district d’Amboasary Atsimo est aujourd’hui le plus affecté, suivi des districts d’Ambovombe, Ampanihy, Beloha et Tsihombe. Certains ménages ont quasiment épuisé toute possibilité de recourir à des stratégies d’adaptation pour pouvoir accéder à la nourriture et au revenu. Cela se traduit par un niveau de consommation alimentaire extrêmement inadéquate, aussi bien en termes de quantité que de qualité de nourriture.

L’INTERVENTION D’URGENCE DE NOS ÉQUIPES MOBILES

Depuis début 2020, Action contre la faim a mis en place des équipes mobiles de prise en charge en santé et nutrition dans les districts du Grand Sud. Actuellement, 25 équipes mobiles sillonnent 9 districts pour assurer un suivi auprès des communautés les plus éloignées des centres de santé ; et en priorité dans les zones où l’on dépiste le plus d’enfants en état de malnutrition aiguë (sévère et modéréee).

En appui au Centre de Santé de Base (CSB) de rattachement le plus proche, une équipe mobile dépiste tous les enfants de moins de 5 ans dans les fokontany (villages) identifiés comme vulnérables. Généralement composée de deux infirmiers et d’un mesureur en charge des dépistages, elle fournit un traitement pour la sous-nutrition et certaines maladies de l’enfant. Nos équipes ou les personnels des CSB prennent en charge les enfants dans des Centres de Récupération Nutritionnelle Ambulatoire Sévère (CRENAS). Les cas les plus sévères sont eux transférés dans les Centres de Récupération Nutritionnelle Intensif (CRENI) au niveau des hôpitaux.

« La situation s’est vraiment dégradée. Avant, on comptait près de 80 prises en charge au niveau du Centre de Santé de Base, mais maintenant on compte près de 400 prises en charge. Voilà pourquoi nous devons venir en renfort. Les chiffres augmentent à la fois au niveau des CSB et des villages. » explique Hamelo Lahimalio – infirmier d’une équipe mobile à Tuléar.

L’intervention de nos équipes directement dans les fokontany permet d’être au plus près des communautés et de leur éviter de devoir se rendre dans un centre de santé parfois très éloigné de leur lieu d’habitation et surchargé. Sur chaque site, nous commençons par expliquer les différentes étapes de prise en charge. Nous commençons ensuite par le dépistage des nouveaux arrivants et le triage des enfants : bonne santé, malnutrition aiguë sévère ou modérée. Le mesureur fait le dépistage des enfants avec le périmètre brachial, la toise et la balance pour évaluer le poids et la taille, et renseigne ces informations sur des fiches de pointage et de vérification. Un infirmier s’occupe de la prise en charge des cas de sous-nutrition et le second s’occupe des maladies de l’enfant.

La prise en charge a ensuite lieu en expliquant avec pédagogie aux mères les causes de la sous-nutrition chez leurs enfants. Nous leur montrons comment utiliser l’Aliment Thérapeutique Prêt à l’Emploi (ATPE) en effectuant un test d’appétit avec leur petit. Ce n’est qu’après qu’ont lieu la visite médicale et la distribution des rations.

« Nous ne pouvons pas nourrir nos enfants. Voilà ce qui nous fait le plus souffrir. Il n’y a pas de pluie donc pas de récoltes. Les terres ne sont plus cultivables et sont laissées à l’abandon. Nous mangeons des plantes. Tout ce que nous pouvons ramasser. La prise en charge nous aide beaucoup. Mon enfant est maintenant en bonne santé après avoir suivi le traitement. » raconte Donoe, 40 ans, séparée et mère de 6 enfants à Ampanihy.

Entre octobre 2020 et mars 2021, nos équipes ont géré 8 727 nouvelles admissions d’enfants de moins de 5 ans en situation de malnutrition aiguë sévère, 8 582 nouvelles admissions pour malnutrition aiguë modérée et 9 611 enfants pour d’autres maladies.

La crise actuelle promet de s’éterniser dans les mois à venir et nécessitera une grande vigilance. La situation nutritionnelle étant déjà plus qu’alarmante, nos équipes prévoient de maintenir leurs efforts pour venir en aide aux populations du Sud. En effet, même si la pluie revenait en fin d’année, les pertes sont déjà trop grandes pour les agriculteurs et seule une action de relance pour soutenir leurs activités permettra de pallier la catastrophe.

Avec le soutien de : ECHO / SIDA / OFDA / CIAA

 


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