Menu

La migration et la misère pour Reena et les Sahariyas

Il y a 14 ans, Reena est née au bord d’une rivière, où sa famille travaillait dans le secteur du sable. L’occasion devint rapidement tragique lorsque la mère de Reena subit une hémorragie post-partum. Il n’y avait pas de médecin à proximité. Sans soins médicaux, la mère de Reena mourut. Pour Reena, ce moment était le début d’un destin lié inextricablement aux injustices historiques subies par les tribus de l’Inde. Reena, qui est de la tribu Sahariya, était destinée à une vie de nomade, toujours à la recherche d’un emploi.

Aujourd’hui, Reena se déplace avec son frère au rythme des saisons, à la recherche d’un emploi à la campagne ou en zone urbaine. La saison dernière, elle a travaillé sur la récolte de la canne à sucre. Elle vit maintenant sur la rivière Parwati, où elle collecte du sable pour le marché de la construction.

Cette dépendance à un emploi précaire a entraîné une extrême pauvreté dans la région. Par conséquent, la malnutrition est répandue. « Mon petit neveu est tombé malade », dit Reena. « Il était maigre comme un ver, alors nous pensions qu’il mourrait comme tant d’autres, mais nous avons réussi à l’emmener au centre de santé à temps. » Cependant, la famille a émigré à nouveau et l’enfant, qui souffrait de malnutrition aiguë sévère, n’a jamais fini son traitement.

« Nous n’avons d’autre choix que de nous déplacer pour survivre », dit Reena.

Même si la constitution indienne leur accorde un statut spécial pour la protection de leurs droits et de leur culture, les 104 millions d’habitants des tribus indiennes continuent à souffrir de pauvreté et de malnutrition.

« Les enfants sont les plus touchés », explique Sachin Sharma, coordinatrice du projet d’Action contre la Faim à Baran. Sharma travaille avec les communautés de migrants dans les régions du Rajasthan et du Madhya Pradesh depuis 2011.

Le fait le plus alarmant est que, selon les données du gouvernement indien, l’écart se creuse entre les communautés tribales et le reste de la population. Depuis 15 ans, le taux d’enfants tribaux ayant des problèmes de malnutrition est resté à 54%, contre 20% pour le reste de la population.

« Une migration constante à la recherche de moyens de subsistance ainsi que des conditions climatiques défavorables aggravent leurs souffrances », dit Sharma.

Sur la rivière Parwati, la journée commence à six heures du matin. Tout d’abord, Reena et sa belle-sœur, Ameena, préparent le petit-déjeuner près de leur abri en plastique. Roti (pain) et thé noir sont tout ce qu’ils vont manger pour le reste de la journée.

À sept heures, la famille se dirige vers la rivière, les outils sur les épaules. En évitant les flaques d’eau et les rochers, ils arrivent là où ils vont installer leur camp et commencer à extraire du sable. Toute la famille travaille sauf les deux petits enfants de deux et trois ans, qui courent autour de leurs sœurs. Les sœurs, âgées de six et huit ans, utilisent leurs râteaux pour enlever les cailloux du sable. Pendant ce temps, Reena, son frère et sa belle-sœur s’acquittent des tâches les plus ardues : ils extraient le sable avec une pioche et une pelle, puis l’empilent sur le côté jusqu’à ce qu’ils en aient assez pour remplir un camion. Ils gagnent en moyenne 50 ou 60 roupies (à peine un dollar canadien) par jour.

« Dans environ un mois, nous migrerons à nouveau pour travailler sur la récolte du blé », dit Reena. « Après cela, le coton, puis retour à la rivière. »

En ce sens, il est vrai qu’il existe une grande diversification de l’emploi saisonnier entre la récolte de blé, de riz, de canne à sucre et de coton. C’est également le cas pour les activités forestières et le secteur de la construction, les mines et les travaux ferroviaires.

Mais cette diversification est à double tranchant, comme l’explique Sachin Sharma :

« C’est un mécanisme de survie qui permet à la population tribale de trouver un revenu, mais qui constitue également une nouvelle forme d’exploitation, caractérisée par des bas salaires, le travail des enfants, des abus commis par des entrepreneurs peu scrupuleux et un cycle d’endettement qui est apparemment incassable. »

Babulal, le frère de Reena, âgé de 25 ans, attribue la pauvreté de sa communauté à la marginalisation de sa ville natale, située dans l’état de Madhya Pradesh :

« Nous n’obtenons pas de services publics et ne pouvons pas non plus obtenir un travail subventionné par le gouvernement. Seulement 10% des habitants de mon village ont un emploi. Personne n’a sa propre terre. Si nous voulons y travailler, nous n’avons d’autre choix que de louer les terres à des habitants des castes supérieures. »

Ainsi, les migrations saisonnières entre les communautés tribales illustrent l’un des plus grands défis actuels de l’Inde : la séparation entre le paradigme du développement et la lutte pour la réduction de la pauvreté des populations les plus marginalisées.

« Les services de santé et de soins médicaux dans les zones tribales ont été négligés pendant longtemps, et pour combler le fossé, il est nécessaire de reconnaître le problème et de créer une feuille de route pour l’avenir », dit Sharma.

Mais jusqu’à ce que cela se produise, Reena et sa famille continueront d’être victimes de leur époque, emprisonnés dans un tourbillon de migrations saisonnières sans fin, dans l’espoir de trouver un répit financier qui pourrait ne jamais arriver.

Comments