
Face à la quasi-absence des femmes dans les 15 COGES des centres de santé partenaires du projet ACT-Femmes (les femmes et les adolescentes représentent 16% seulement des membres des COGES au lieu de l’objectif fixé au niveau national qui est de 30%), une réflexion a été entreprise sur les stratégies porteuses pour atteindre une mixité au sein de ces unités de gestion. Une proposition fortement appréciée a été faite par un homme, Médecin Chef du Centre de Santé Urbain (CSU) de Sikolo dans le département de Ferkessédougou. La particularité de sa proposition réside dans le fait qu’elle vient rompre avec les normes sociales en vigueur dans la région du Tchologo.
En effet, avant le lancement officiel du projet ACT-Femmes, une étude de base a été réalisée par ACF en octobre 2021 sur l’accessibilité des femmes et des adolescentes de la région du Tchologo aux services sociaux de base en santé sexuelle et reproductive (SSR), Santé Maternelle Infantile et Néonatale (SMIN) et Nutrition de qualité. Cette étude a révélé une faible implication des femmes et des adolescentes dans les mécanismes et processus de gestion des structures de santé. Les raisons évoquées sont principalement liées aux poids de la culture patriarcale qui ne reconnait pas à la femme le droit de participer aux prises de décisions dans la communauté et même concernant son accès aux services de santé.
L’influence de ces normes sociales à dominance patriarcale a catégorisé les individus dans des rôles sociaux spécifiques selon leur sexe. Ainsi, les hommes sont à priori les personnes désignées par les chefferies villageoises pour représenter leur communauté au sein des COGES.
- La région du Tchologo enregistre les indicateurs de vulnérabilité, d’accès aux droits et aux services sociaux de base notamment de santé materno-infantile et santé sexuelle et reproductive pour les femmes et adolescentes parmi les plus faibles du pays.
- Les inégalités de genre persistent principalement du fait des pesanteurs socio-culturelles qui restent un frein important à la pleine réalisation des droits de santé sexuelle et reproductive et à l’exercice effectif des droits civiques et politiques des femmes et adolescentes.
- Ces dernières sont aussi absentes des cadres de décision (comités de gestion de la santé et services sociaux de base, instances administratives et coutumières), conduisant à ce que leurs droits, besoins et intérêts spécifiques soient négligés, y compris sur les questions les affectant directement.
- Le diagnostic sur la représentativité des femmes au sein des COGES révèle que seule 16% des femmes sont présence dans les instances de gouvernance des COGES.
- Selon l’étude de base : « La représentativité des femmes au sein des COGES est moins de 30% quel que soit le district sanitaire et le type de service à cause des normes sociales et traditionnelles qui ne favorisent pas le leadership de la femme. Les femmes qui sont membres des COGES occupent en général des postes de vice-président ou de secrétaire général adjoint et majoritairement des postes de trésorières. Ces femmes ont un niveau socio-économique plus élevé que les femmes dans la population générale ».
Le démarrage du projet ACT FEMMES a été précédé par une étude sur l’accessibilité des femmes et adolescentes de la région du Tchologo aux services sociaux de base en Santé Sexuelle Reproductive (SSR), Santé Maternelle Infantile et Néonatale (SMIN), Prise en compte du genre dans les instances de décision locales.
Après le lancement officiel du projet qui a eu lieu le 7 décembre 2021, une mission de diagnostic a été réalisée sur la fonctionnalité des COGES incluant la prise en compte du genre et la représentativité des femmes. Cette mission a révélé que les COGES ne fonctionnent pas correctement selon les textes réglementaires et souffrent d’une grande absence de femmes en leur sein. Ainsi, l’identification de femmes désireuses d’intégrer les COGES a été mis en priorité d’action au niveau des communautés couvertes par le projet. Par ailleurs, un atelier de formation des membres sur les rôles et les missions des COGES avec un accent sur l’intégration des femmes, a permis d’enclencher le processus de redynamisation des COGES au sein des centres de santé.
Au cours de la formation, l’accent a été mis sur l’importance de la diversité et de la présence des femmes au sein des unités de gestion des centres de santé. Durant l’atelier de formation des membres de COGES sur le rôle et la mission et les outils de gestion des COGES en février 2022, les hommes qui sont en grande partie membres du bureau des COGES des centres de santé ont pris conscience de l’importance du rôle joué par les femmes. Le responsable du centre de santé urbain (CSU) de Sikolo, qui assure le Secrétariat Général de la structure du COGES, a changé sa perception et son attitude envers le potentiel des femmes. Selon lui : « Pour résoudre le défi de la représentativité des femmes dans les COGES, il serait plus efficace de dire aux chefs des communautés de désigner deux représentant.e.s qui soient de sexes différents pour intégrer les COGES. On leur dirait de proposer un homme et une femme pour représenter leur communauté au sein des unités de gestion des centres de santé. Cette stratégie pourrait permettre de pallier au problème relatif à l’absence des femmes dans les COGES où les débats portent principalement sur la qualité et la disponibilité des services de santé qui leur sont offerts. Elles ont été longtemps en arrière-plan et sont continuellement en train de subir les décisions prises par les hommes. Pourtant ces derniers n’ont pas toujours la maîtrise des spécificités des besoins des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive et santé maternelle. C’est vrai que lors des réunions des COGES, les problèmes spécifiques à la santé des femmes ne sont pas abordés en profondeur. Il est donc pertinent qu’elles prennent désormais une part active à ces réunions ». Dr SIAGBE SOUNGOLE, Médecin chef du CSU de Sikolo.
Grâce à l’intervention du projet, les participants ont pris conscience que les femmes sont nécessaires au sein des COGES si on veut que leurs besoins spécifiques de santé soient pris en compte de façon équitable. Elles doivent être en mesure d’exercer une influence accrue sur la disponibilité et la qualité des services en santé. Dr. SOUNGOLE est un exemple concret que la masculinité positive peut contribuer à l’avancement des droits des femmes. Grace à ses recommandations, l’ensemble des 14 autres COGES partenaires du projet ACT-FEMMES ont été invités à combler leurs bureaux de COGES à un effectif de 20 membres en y intégrant en priorité des femmes qui seront capables d’évoquer leurs besoins sans complexe. Ils ont également été invités à faciliter l’intégration des nouvelles adhérentes qui seront formées avec l’appui du projet ACT-FEMMES. Des activités de coaching permettront de rehausser qualitativement la participation des femmes au cours des réunions des COGES.