
Comment Maryam, une pédopsychologue au Niger, a sauvé la vie de triplés dénutris et aidé leur mère à trouver de nouvelles façons de soutenir sa famille. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
Au Niger, plus de 2,6 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire. La pauvreté, la faim et les chocs climatiques touchent directement les agriculteurs et les éleveurs du pays. Près de 90 % de la population du pays gagne sa vie en travaillant la terre ou en s’occupant du bétail. Si les récoltes sont mauvaises, tout s’effondre.
Les dernières années ont été particulièrement difficiles. La sécheresse de 2018 a ruiné les récoltes et les moyens de subsistance de nombreuses familles. Les enfants ont été touchés les plus durement. Sans accès à une alimentation diversifiée, les jeunes enfants manqueront des nutriments nécessaires à leur croissance et à leur développement et tomberont rapidement malades.
« LA MÈRE DE TOUS LES ENFANTS »
Maryam montre à une mère comment mesurer la malnutrition chez son enfant. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
La Dr Maryam Abouacar a pu constater les taux élevés de malnutrition au Niger, où elle travaille avec Action contre la faim au Centre de réhabilitation Mayahi. En deux ans seulement, entre 2016 et 2018, cette pédopsychologue de 38 ans a traité 4 500 cas de malnutrition aiguë. En utilisant une approche holistique, Maryam aide les enfants non seulement à survivre, mais à s’épanouir.
Lorsqu’elle a obtenu sa maîtrise en pédopsychologie, Maryam a failli abandonner sa carrière avant même qu’elle ne commence. Ses collègues ne voyaient pas l’intérêt de sa spécialité. « Jouer avec les enfants ne fait pas partie de votre travail », disaient-ils souvent. Elle a essayé d’expliquer que le jeu fait partie du traitement, mais ils n’ont pas compris.
Puis, un jour, elle a eu une révélation. Un enfant qu’elle soignait, que l’on croyait en phase terminale, a ouvert grand les yeux et a dit : « Maman, je veux du lait. »
Ce moment a eu un grand impact sur la psychologue.
« J’AI VU EN LUI LE DÉSIR DE VIVRE ET, À CE MOMENT, J’AI COMPRIS QUE LE COMBAT N’EST JAMAIS TERMINÉ. JUSQU’À LA DERNIÈRE SECONDE, IL Y A ENCORE DE L’ESPOIR. »
Son petit patient a fini par se rétablir et, depuis, Maryam est surnommée « la mère de tous les enfants ».
Maryam prend soin d’Aisha et de ses triplés. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
SAUVER LES TRIPLÉS D’AISHA
Aisha, 30 ans, a 12 enfants. Elle et son mari travaillaient la terre, mais il est devenu de plus en plus difficile de subvenir aux besoins de leur famille en raison des mauvaises récoltes et de l’insuffisance des provisions. Quand Aisha a appris qu’elle était à nouveau enceinte, la situation a empiré.
« Mon mari était très inquiet. Il ne dormait plus, ne mangeait plus. Il était dehors toute la journée, jusqu’au jour où il est parti au milieu de la nuit et n’est jamais revenu », dit Aisha. Au bout d’un mois, le mari d’Aisha l’a appelée. Il était en Libye. Il lui a dit qu’il avait l’intention d’aller en Europe pour travailler et envoyer de l’argent à la famille. Mais elle n’a pas eu de nouvelles de lui depuis : « Je ne sais pas s’il est vivant. »
Alors que son ventre grossissait, Aisha a continué à travailler la terre. Elle a accouché à la maison – une naissance longue et douloureuse, non pas d’un, mais de trois bébés. Pendant qu’elle se rétablissait, les enfants plus âgés l’aidaient à faire les tâches ménagères. Toutefois, un jour seulement après la naissance, la famille s’est retrouvée à court de nourriture. Aisha s’est levée, encore faible, et a mis un des triplés sur son dos. Ses enfants plus âgés ont porté les deux autres. Sa seule option était de marcher dans les rues et de mendier de l’argent pour nourrir sa famille.
Un jour au marché, Aisha et ses bébés très maigres ont attiré l’attention de la Dr Maryam Abouacar. Elle s’est approchée de la mère et a examiné ses triplés.
« Au-delà de leur extrême maigreur, leur état était préoccupant. Ils étaient très faibles et l’un d’eux avait du mal à respirer », se souvient Maryam.
Il n’y avait pas de temps à perdre. Maryam a appelé l’hôpital et leur a demandé de venir d’urgence chercher la femme et ses bébés. Les triplés dénutris ont été immédiatement admis pour traitement.
TRAITEMENT HOLISTIQUE
Aisha a appris à mesurer la malnutrition chez ses enfants et montre fièrement sa bande à code couleur – l’outil simple qui rend cela possible. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
En plus des médicaments que les nourrissons ont reçus, Maryam a travaillé avec Aisha et ses bébés pour les aider à satisfaire leurs besoins émotionnels et psychologiques.
« En tant que médecins, nous disposons de médicaments et de techniques de pointe, mais ce que nous ne pouvons pas leur donner, c’est l’amour d’une mère », dit-elle. Par le biais de conseils, de jeux et autres, Maryam s’efforce de rétablir le lien émotionnel entre la mère et l’enfant car, dans certains cas, ce lien est rompu lorsque l’enfant est admis à l’hôpital.
« Il faut garder à l’esprit que beaucoup de femmes qui arrivent au centre n’ont jamais mis les pieds dans une ville auparavant et encore moins dans un hôpital. Le choc peut être énorme. De plus, elles craignent de laisser leurs autres enfants à la charge de leur mari ou de leur famille », explique Maryam.
L’une des parties les plus difficiles de la guérison des triplés a été de les aider à retrouver leur capacité psychomotrice. « Ils ont mis plus de temps que les autres enfants à apprendre à s’asseoir ou à ramper. Ces jeux les stimulent physiquement et émotionnellement », explique la pédopsychologue.
Aisha, tout sourire, rentre chez elle avec ses enfants. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
Pendant les trois semaines qu’Aicha a passées à l’hôpital, elle a participé à plusieurs séances d’éducation et a compris que la mendicité n’était pas une solution à long terme à ses problèmes. Cela n’empêcherait pas ses enfants de sombrer à nouveau dans la malnutrition.
Le jour où les triplés ont été libérés, Maryam a accompagné Aisha au Bureau de la protection de l’enfance à Mayahi. Elles ont parlé avec le directeur et ont acheté une chèvre laitière pour aider Aisha à nourrir ses bébés. Ensemble, elles ont élaboré un plan pour aider la mère de 12 enfants à lancer une petite entreprise qui lui permettrait de travailler et de gagner un revenu à la maison tout en s’occupant de sa famille.
Lorsqu’ils sont retournés au village, la famille d’Aïcha a couru les accueillir à leur arrivée : « C’était comme une fête. Ils ont ri, chanté et crié : “Maman est de retour !” »
Aisha rentre chez elle pour une fête de bienvenue mouvementée et remplie de joie. Photo : Lys Arango pour Action contre la faim, Niger.
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