Jawada : « Nous avons fui avec notre nounou, qui est chrétienne. Elle était cachée parmi les valises. »
Alors que Jawada et sa famille fuyaient Marawi, des membres de l’EIIS les ont arrêtés à un poste de contrôle. Ils ont baissé les vitres de la voiture et après avoir dit bonjour, on leur a assuré qu’ils pourraient revenir dans trois jours. Ils étaient tous à l’étroit et avaient très peur. Leur nounou, qui est chrétienne, était cachée parmi les valises. « Nous avions entendu dire que des membres de l’État islamique tuaient des chrétiens », se souvient-elle.
Dès qu’ils sont partis, sa nounou s’est rendue au village de sa famille et n’est pas revenue depuis. La famille de Jawada l’appelle régulièrement pour savoir comment elle va. « Elle dit toujours qu’elle va bien, que nous lui manquons », dit Jawada. « Mais sa mère ne la laisse pas revenir avec nous parce qu’elle craint pour sa vie. Ça me brise le cœur. Nous n’avons même pas pu lui payer son dernier salaire. »
L’arrivée de l’EIIS a tout changé. « D’abord, ils ont mis le feu à l’école Dansalan, où plusieurs de mes cousins étudiaient. Ensuite, ils ont tué plusieurs chrétiens et leur ont coupé la tête. J’ai vu les têtes sur le sol. J’ai aussi vu des jambes et des bras éparpillés. » Les enseignants de l’école qui ont été assassinés ont été tués par mutilation. Jawada ne comprend pas pourquoi ils leur ont fait cela. « Ces gens étaient innocents, ils n’avaient rien fait de mal. »
À Matunggao, tout est différent. Jawada ne va plus à l’école parce qu’elle ne peut pas se concentrer. Elle échoue dans les matières pour lesquelles elle avait l’habitude d’obtenir les meilleures notes. Elle se consacre donc à des tâches ménagères. « Par exemple, explique-t-elle, je vais tous les jours chercher de l’eau avec des seaux et j’aide ma grand-mère à cuisiner et à laver le linge. En fait, je suis encore en train de m’adapter… Avant, nous avions des employés chargés des tâches ménagères. Tout était plus facile, mais je sais que je dois accepter que c’est ma nouvelle vie. »
Jawada ne pense pas pouvoir retourner à Marawi, car sa famille n’a plus rien : pas de maison, pas d’école, pas de magasin. Mais elle n’a pas perdu tout espoir. « Je rêve tous les jours d’y retourner et de jouer avec mes amis. Je ne sais pas s’ils sont encore en vie ou s’ils sont morts, mais je rêve de les revoir. »