
Les influenceuses communautaires travaillent à la promotion et à l’amélioration de la santé des mères et des enfants. Photo : Fardosa Hussein pour Action contre la faim, Somalie.
Dimanche dernier, nous avons célébré la Journée de la femme 2020. Il s’agit d’une belle occasion de souligner les réalisations importantes des femmes dans la lutte pour l’égalité des droits, mais aussi leur rôle crucial dans la promotion du changement au sein de leurs communautés. En Somalie, les femmes travaillent à de changer les mentalités en ce qui a trait aux établissements de santé.
En matière de soins de santé, il ne suffit pas d’offrir des services qui sauvent des vies – il faut aussi que la population veuille y avoir recours. C’est pourquoi nous voyons des publicités dans le métro pour des programmes de santé mentale et nous apprenons à la télévision l’existence de nouveaux médicaments. C’est aussi pourquoi la Somalie investit dans les influenceuses. Et non, nous ne référons pas à Instagram !
Voici les influenceuses communautaires somaliennes : 50 femmes chargées de sensibiliser les mères aux services de santé maternelle offerts dans le cadre du programme de santé et de nutrition somalien (SHINE) et de les inciter à les utiliser. Travaillant en binôme, ces influenceuses couvrent trois districts de Mogadiscio. Elles vont de maison en maison, rencontrent les mères et discutent des comportements que les femmes peuvent adopter pour améliorer leur santé et celle de leurs enfants, notamment en matière d’allaitement maternel, d’espacement des naissances et d’accouchement dans les centres de santé.
En Somalie, une mère sur 100 en moyenne meurt de complications liées à l’accouchement. Le pays affiche le septième taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde. De nombreuses accoucheuses traditionnelles ne sont pas équipées pour faire face aux complications maternelles, ce qui contribue à ce taux élevé de mortalité maternelle. C’est là qu’interviennent les influenceuses : elles travaillent à changer les perceptions négatives à l’égard des établissements de santé et à inciter un nombre croissant de mères à y accoucher en toute sécurité.
Toutefois, changer les esprits – et les traditions de longue date – n’a rien de facile. Les influenceuses doivent faire les deux.
Depuis des générations, les mères ont transmis une culture qui consiste à accoucher à la maison en présence d’accoucheuses traditionnelles, plutôt que dans des établissements de santé. « J’ai donné naissance à quatre de mes enfants à la maison. C’est quelque chose que ma mère et celles qui l’ont précédée ont fait », déclare Amina, 29 ans, une mère dont les opinions sont typiques pour de nombreuses femmes de Mogadiscio et des environs. « Ma grand-mère est une accoucheuse traditionnelle et elle m’a dissuadée de visiter le centre de santé maternelle. Je n’ai jamais voulu aller au centre de santé parce que j’étais persuadée que l’accouchement était fait par un homme, ce qui va à l’encontre de notre culture. »
Amina a donné naissance à quatre enfants à la maison. Photo : Fardosa Hussein pour Action contre la faim, Somalie.
Lorsqu’Amina était enceinte de six mois, deux influenceuses engagées – l’une s’appelait aussi Amina et l’autre Fardosa – se sont rendues chez elle. Alors que les trois femmes discutaient, les croyances d’Amina sur les établissements de santé ont commencé à changer.
« Je voulais vraiment donner naissance à mon cinquième enfant au centre de santé, mais j’avais certaines craintes », dit Amina. « Amina et Fardosa ont été très professionnelles. Elles m’ont permis de poser toutes les questions que j’avais et ont aidé à démystifier les stéréotypes sur les établissements de santé. »
Au centre de santé maternelle et infantile, les mères reçoivent une éducation et des conseils en matière de santé pendant la grossesse et lors de l’accouchement. Après avoir entendu de fréquents rappels de la part des influenceuses, Amina a sollicité des conseils pendant les derniers mois de sa grossesse.
Les influenceuses offrent des séances d’éducation à la santé pour les femmes. Photo : Fardosa Hussein pour Action contre la faim, Somalie.
« J’étais heureuse que les deux dames me rappellent de visiter le centre de santé », se souvient Amina. « Elles m’ont encouragée à partager mon expérience avec elles afin qu’elles puissent m’aider du mieux qu’elles le pouvaient. »
Lorsque la date de son accouchement est arrivée, Amina avait encore des doutes et a presque choisi de mettre son bébé au monde à la maison, mais a finalement décidé autrement.
« J’ai appelé l’une des influenceuses, qui a immédiatement appelé l’ambulance », se souvient-elle. « Quand je suis arrivée au centre de santé, on m’a emmenée dans la salle d’accouchement et ma mère a attendu dehors. Deux sages-femmes et une infirmière se sont occupées de moi. C’est là que j’ai découvert que les mères ont droit à la plus grande intimité au centre de santé. Tout au long de la journée, mon nouveau-né et moi avons reçu des soins appropriés. »
Amina et son fils sont rentrés chez eux avec des fournitures supplémentaires de l’équipe Eau, assainissement et hygiène d’Action contre la faim. Amina prévoit retourner fréquemment au centre de santé pour assurer le sain développement de son nouveau-né et de ses autres enfants : « J’ai hâte d’emmener mon fils se faire vacciner et de me rendre au centre de santé pour faire un suivi de la santé de mes enfants. »